mercoledì 29 aprile 2015

PEGASUS INTERNATIONAL (Français)



Chers amis,
PEGASUS INTERNATIONAL tient les promesses de son nouveau titre. Il diffuse aujourd’hui son premier numéro en langue française.  Les auteurs qui y figurent sont publiés régulièrement dans l’édition originale dirigée par Paolo Secondini.
Le présent numéro de PEGASUS INTERNATIONAL en langue française a été préparé par Pierre Jean Brouillaud.
PEGASUS INTERNATIONAL publie un large choix d’auteurs de langues latines.
Pour vivre et se développer il a besoin de votre aide et de votre collaboration. Lisez-le, faites le lire autour de vous et envoyez nous vos commentaires ainsi que vos suggestions.

ADRIANA ALARCO DE ZADRA
MYSTERE DANS LES GLACES DU PACIFIQUE SUD

Le navire qui nous emmène vers la Base antarctique quitte le port, sur l’océan Pacifique. Sous le soleil, le commandant Soldano nous montre les Iles Ballestras, au sud de Callao, et leurs crêtes blanches de guano. Bientôt, nous serons au milieu des glaces,  de la banquise, des espaces solitaires, du brouillard.
En compagnie de quelques officiers de marine, je m’en vais vers la terra incognita étudier la biologie locale, dans le cadre du Traité de l’Antarctique. On me dit que là-bas règne la paix. Est-ce vrai ? Ces mers ont été le théâtre de batailles et de conflits féroces depuis le temps où les caravelles venaient conquérir terre et mer.
Je suis biologiste, et il n’est pas habituel de voir des femmes à bord de ce bateau. J’essaie donc de passer inaperçue parmi des marins hâlés par le vent salé et le froid. Je suis émue à la pensée que je vais traverser le Détroit de Magellan qui unit les deux grands océans, comme le fit Sarmiento de Gamboa il y a 400 ans.
Nous pêchons au milieu des forts courants qui rabattent vers nous les bancs de poissons, remontons diverses espèces de fruits de mer, tandis que pélicans et goélands essaient d’engloutir tout ce qu’ils peuvent attraper. Les vagues et puis, au loin, Valparaiso, forêt de lumières qui descend la colline, entre ruelles pentues et tortueuses. Se succèdent les bandes de terre qui bordent la côte du Pacifique sud. Nous voyons la végétation décroître, les sources geler, les bateaux à demi coulés, un cimetière marin de voiliers déroutés par les courants, chavirés par les tempêtes. Entrés dans les canaux de Patagonie, nous rencontrons une vieille goélette échouée, avec ses voiles en lambeaux , étrange bateau fantôme. J’ai peur.
- Nous allons franchir le Détroit pour entrer dans l’Océan atlantique, doctora Roxana, dit le commandant Soldano. C’est plus calme et moins dangereux si nous continuons vers le sud, par le Canal de Beagle et sortons par le cap Horn jusqu’à l’autre mer, en passant devant la Terre de Feu.
Je l’observe, attendant la suite de son soliloque. Cet homme a été sculpté par les vents.
- Ce n’est pas la chaleur. Ce sont des plateaux désolés qui révèlent une côte froide, faite de roches et de pierres violacées. Sur un piton se dresse la Croix des Mers qui domine, d’une mer à l’autre, comme dit une inscription, « jusqu’aux ultimes confins de la terre ».
Je comprends, ce n’est pas la première fois que le commandant parcourt cet itinéraire. Un marin exceptionnel.
Nous arrivons devant Punta Arenas, la ville la plus méridionale et la plus ventée du Chili. Elle lutte contre le mauvais temps et se bat contre le vent qui cherche à nous couler. Ici, le soleil ne dégage aucune chaleur, on croirait un plateau en cuivre suspendu dans le ciel.
Nous laissons derrière nous la Péninsule de Brunswick, au milieu du Détroit de Magellan, avec ses constructions basses conçues pour éviter que le vent ne les emporte. Soldana précise qu’il y a sur la place principale un monument à Magellan.  Des nuées de goélands noirs, de pétrels, d’hirondelles de mer, nous montrent le chemin; ils volent en direction du sud, dans la brume, sous les sommets argentés, engourdis de froid, la neige blafarde et les glaces flottantes.
- Commandant, ces géants de glace qui flottent comme des îles sont faits d’eau douce. Je ne crois pas que la planète soit sur le point de manquer d’eau.
J’essaie de paraître optimiste dans ce monde inconnu qui me fait plutôt peur.
- A condition que l’homme ne détruise pas également cette merveille de glace teintée de bleu, de jaune et de rose, commente-t-il en montrant les icebergs.
Au large de la côte, j’admire une crête enneigée d’où jaillit une cataracte qui dévale un versant de roche noire et tombe dans la mer. Ciel gris, solitude immense. Sur le versant d’un sommet nous découvrons un hameau enclavé dans une crique. C’est Ushuaia, l’agglomération la plus méridionale de la planète, capitale de la Terre de Feu du côté argentin. Située au milieu du canal de Beagle, elle nous surprend par la quantité d’araignées de mer, de coquillages et de tous les genres de poisson que l’on y trouve. C’est jour de fête !
- J’espère voir les habitants de ces lieux ! me suis-je exclamée.
- Ici vivaient autrefois des commerçants de peaux de guanaco qui circulaient en pirogue, chassaient avec des harpons et s’habillaient de plumes de nandou, mais dans nos itinéraires nous ne voyons pas grand monde vers la Terre de Feu.
A la sortie du canal de Beagle, quand nous débouchons dans l’océan, nous sommes tout contre les trois îles inhabitées où je suis surprise par la variété de la végétation que me révèlent mes jumelles : Son Picton, Lennox et Navarino. Je fais des croquis de la faune locale sur mon carnet et je note les noms locaux et scientifiques des phoques, du léopard et du loup de mer, de l’énorme éléphant de mer et de l’ours blanc. Il y a d’autres animaux : pingouins, cormorans, hirondelles, insectes, araignées, crustacés. Mais dans ce voyage fabuleux, tout n’est pas qu’enchantement. Là où se croisent vents et courants, au cap Horn, entre Atlantique et Pacifique,  le bateau tangue fortement, et je ne suis pas la seule à souffrir du mal de mer. Je me sens vulnérable quand je vomis les fruits de mer par dessus bord sans les avoir digérés.
Une escadrille de Skuas, tels des avions à réaction, fonce vers nous en piqué. Nous voyons que ce sont des aigles de l’Antarctique qui chassent les  pingouins entre les banquises, dont certaines sont plus grandes qu’une place publique et plus hautes qu’une cathédrale. J’ai un mauvais pressentiment. Que se passera-t-il si la tempête nous fait chavirer ? Un tremblement me saisit et je cours m’abriter sous le couvert. Je passe des heures à examiner les échantillons de krill, ces petites crevettes rosées, au goût amère d’iode mais très savoureuses, que nous avons pêchées au fond de la mer.
La mer charriant la glace nous accompagne vers le détroit de Bransfield, entre la péninsule antarctique et les îles Shetland. Le neige prend des tons dorés sous le soleil. Les blocs de glace qui passent, flottant à côté de nous, sont couverts de phoques noirs et fauves qui se déplacent lentement en mugissant et en rugissant.
Les marins ne sont pas tranquilles. Ils pronostiquent orages et tempêtes. Ils essayent de rapprocher le bateau d’une baie bleu ardoise abritée par deux sommets noirs que l’on appelle Los Cuernos del Diablo* Solitude, eaux dormantes, sables noirs, neige couverte de cendre volcanique.
L’eau est tiède et ressemble à des sources thermales, avec des vapeurs sulfureuses.
J’insiste tellement que le commandant accepte de me débarquer recueillir des échantillons de végétation. Sur le sol, la flore se compose de mousse, algues et lichens. Devant, sur la mer, une énorme barrière de glace couvre l’horizon.
Le rameur qui m’accompagne signale quelques fossiles. Ils proviennent d’arbres qui n’existent plus en ces lieux et remontent probablement à l’époque où le continent antarctique faisait partie de l’Australie.
- Avez-vous vu quelquefois, doctora Roxana, un bateau qui paraît proche mais qui est en fait très loin ? me demande le marin qui a débarqué avec moi.
Je me dis qu’il plaisante.
- Avez-vous vu quelquefois un bateau qui, au lieu de naviguer à l’horizontale, le fait à la verticale, comme s’il voulait entrer dans la mer qui l’engloutit ?
- Jamais, cher monsieur Fernandez. Je pense que cet horizon solitaire et ce froid terrible nous font délirer.
- Il faut se méfier des vents ! Ils soufflent à plus de 330 km à l’heure et congèlent hommes et animaux !
Trop d’imagination pour ma pauvre tête gelée, Fernandez, pensé-je, mais je m’abstiens de le dire à haute voix pour ne pas l’offenser.
- Naviguer en évitant des banquises aussi énormes que des planètes, des cercles de glaces acérées et des îles de verre merveilleuses, gigantesques sous un ciel limpide et dans une mer bleue, ça peut aussi bien être un cauchemar, affirme le marin.
Et moi, je ne sais plus si c’est le froid qui me fait trembler ou le présage d’un drame.
La suite lui donne raison. En revenant vers le bateau que nous voyons chaque fois plus éloigné, sans doute par un caprice de notre imagination, nous avons la malchance de rencontrer un orque de près de 10 mètres de long, noir par dessus, blanc par dessous, avec 22 dents acérées, un regard féroce et vorace. D’un coup de queue, l’orque brise l’embarcation et, terrifiée, je vois mon compagnon ensanglanté couler au fond de l’eau glaciale. Désespérée, je nage vers un iceberg, je suis tellement gelée que je ne sens plus ni mes bras ni mes jambes, je suis épuisée, à bout. Le courant m’emporte jusqu’à une plage différente de celle où nous avions débarqué. J’ai perdu mes notes et les échantillons que j’avais eu tant de mal à réunir. Je ne vois pas le bateau. Est-ce qu’ils me cherchent ? Est-ce qu’ils me considèrent comme perdue dans le brouillard ? J’ai peur, j’ai froid.
Des heures plus tard, je suis toujours là, sur une île perdue, à rassembler peu à peu des débris d’embarcation durant cet interminable jour qui dure 20 heures en été, à attendre qu’ils me trouvent avant que n’arrive l’hiver qui signifiera 20 heures de nuit et durant lequel je ne pourrai survivre. Je me dis qu’en Antarctique il n’y a pas de microbes parce qu’ils meurent de froid. J’éclate d’un rire hystérique, et mon rire ricoche sur l’eau. Heureusement, je n’attraperai pas la grippe. Et je pense en tremblant que très probablement je mourrai gelée en ce coin du globe primitif, intact.
Le froid me glace jusqu’aux os, je ne sens plus mon visage; le dernier poisson qui aurait comblé le vide que je ressens au creux de mon estomac a échappé à mes mains engourdies et est retombé dans l’eau.
Un brouillard humide, persistant, gris et muet qui étouffe les sons et les sensations, les visions et les saveurs, une solitude infinie, une tristesse sans fin, c’est tout ce qui m’entoure. Des vagues impétueuses poussent les débris de la barque en bois vers le bord de l’île où s’accumulent glaçons, ombres et fantômes.
Entre les rochers blancs je bâtis un refuge au moyen de débris de l’embarcation, précautionneusement pour ne pas glisser sur les endroits où s’ouvrent des fissures dans le sol gelé. Incroyable, cette cascade qui tombe, vertigineuse, dans la mer depuis les hauteurs ! Des torrents d’eau rebondissent. Je sais qu’une partie de la planète connaît une période de dégel. Si rapide ? L’île est-elle  en train de fondre sous mes yeux, comme un volcan d’eau, dans un craquement de banquises, dans la dissolution d’une matière solide qui se liquéfie, de banquises qui fondent, ouvrant un précipice dans les volumes de glace ? Je tente de m’éloigner d’une réalité brutale, mais je crois qu’en vérité je suis en train de mourir.
De temps à autre, je me nettoie les yeux pour enlever la glace qui s’accumule sur les cils. Une étincelle d’espoir jaillit à travers le brouillard épais et l’eau omniprésente. Une paroi haute, blanche et presque transparente s’approche de la plage et peut-être est-ce que je me rapproche moi aussi, bien que je ne sache pas ce qui se passe réellement. Me voici dans la lumière. L’odeur de sel s’accentue, le goût du dernier oursin me remonte aux lèvres, le vent recommence à bruire dans mes oreilles. Est-ce que je reviens au monde ou est-ce que je délire ?
- Qui suis-je ? Quelqu’un me demande qui je suis ? Je n’entends plus que le silence.
- Je suis une femme égarée, sans repère, une biologiste, naufragée d’un bateau d’exploration. J’ai voulu être découvreuse, navigatrice, enquêteuse. J’ai rempli ma vie de rêves et mes yeux d’océan. Ma vie s’achève, et je suis une goutte d’eau de plus dans cette immensité. Je ne suis personne. Je peux exister ou ne pas exister, je suis quelque chose de plus au milieu de la vie qui continue, me dis-je,  mais la voix ne veut pas sortir de la gorge.
Je voudrais marcher, mais mes pieds ne m’obéissent plus. Si seulement je pouvais bouger, mais je suis là, paralysée, sur des écailles de glace commençant à fondre et à se disloquer sous mes bottes qui, désormais, ne me protègent plus du froid. Je vois s’infiltrer dans la muraille de nuages gris un autre rais de lumière. Je lève la tête vers ce qui est la vie, ce qui illumine la vie. Mais rien ne se fait entendre alentour.
Ce sol fragile va, d’un moment à l’autre, s’ouvrir et je terminerai mes jours emprisonnée dans une glace transparente.
Le scintillement s’intensifie. Est-ce un mouvement ce que je vois dans mon délire ?
Une ombre derrière la muraille qui se disloque me fait penser : il y a autre chose que moi au milieu de ces banquises.  Elle s’approche tandis qu’un scintillement se reflète sur le verre et m’aveugle. Je distingue mieux cette ombre, mais ses contours se diluent, découvrant un navire différent de tout ce que j’ai vu auparavant. Il est grand, arrondi, cerné de points qui se mettent à tourner lentement. Comme des couteaux, ils entaillent les parois. On dirait qu’ils veulent se libérer d’une carapace qui les oppresse. La chose est en train de se dégager ou de naître ? Elle est énorme. Elle glisse vers la cascade, et l’eau finit de révéler son énorme masse de métal luisant qui tourne et lance des rayons scintillants nés de quelques orifices. Je ne peux pas bouger, bien que le glacier paraisse fondre. Le froid, ou le rayon, m’a paralysée. Je ne peux qu’observer, en bougeant les yeux,  ce qui m’entoure. Mon corps ne m’obéit pas. Je vais me congeler, et cette île va me recouvrir de glace.
Sorti de la cascade un être étrange s’approche. Un être à l’?il unique au milieu du front. Un cyclope infernal, un monstre qui était prisonnier de la roche gelée. Comme dans un rêve, je sens qu’il me soulève de ses bras puissants, couverts d’écailles métalliques, et je reste immobile, statue de glace. Ses pieds
énormes se dirigent vers le navire qui a ouvert une cloison dans un de ses flancs. Ce cyclope, veut-il
m’enlever, me subjuguer, me manger, me tuer ? Est-ce un extraterrestre ? Est-ce un rêve, un délire ou suis-je en train de mourir et est-ce le chemin vers l’au-delà ?
Je m’évanouis de terreur tandis qu’alentour le brouillard enferme dans des murs de glace le navire inconnu et son mystère.

* Les cornes du Diable

(Traduit de l’espagnol par Pierre Jean Brouillaud - Publié par Paolo Secondini  à Commentaire)

FABIO CALABRESE
REVEIL

L’homme ouvrit lentement les yeux. Il se sentait reposé, plein d’énergie après un long sommeil réparateur. Pendant un long moment, il resta immergé dans un état semi-conscient accompagné d’une sensation de bien-être.
Puis il finit de se réveiller et fut assailli de souvenirs. Il aurait dû se trouver à l’hôpital pour être opéré d’un kyste au cerveau, sorte de tumeur bénigne qui, de temps à autre, exerçait une pression sur les zones cérébrales voisines et lui provoquait de violents maux de tête.
Bien entendu, il était peu enclin à se faire ouvrir la boîte crânienne, mais on lui avait expliqué que l’opération n’était pas dangereuse, alors que le kyste, s’il persistait, risquait de dégénérer en tumeur maligne.
Il porta les mains à sa tête. Si on l’avait trépané, il devrait avoir au moins la tête bandée, mais non. Il aurait dû avoir la tête rasée, mais ses doigts touchaient sa chevelure. Celle-ci était épaisse et plus longue que dans son souvenir.
Il s’aperçut qu’il ne se trouvait pas dans son lit, mais qu’il flottait dans un bassin rempli d’un liquide tiède. C’était de l’eau, ou quoi d’autre? Il n’avait aucune idée précise, tout au moins sur ce point.
En regardant mieux, il lui sembla que ça ne semblait pas être de l’eau, ou alors qu’elle devait être mêlée à autre chose parce qu’elle avait une légère coloration ambrée et qu’elle était peut-être un peu trop dense.
Il essaya de prendre pied et il y parvint. Heureusement, ce bassin n’était pas trop profond. En effectuant ce mouvement, il s’aperçut qu’il avait détaché son corps de plusieurs petits tubes fixés par des aiguilles semblables à celles d’une perfusion.
Il prit appui sur le rebord de la cuve et en sortit.
Il examina toute la pièce autour de lui. Ça pouvait être une chambre d’hôpital, ou tout autre chose, avec un bassin au lieu d’un lit. Un milieu propre, bien tenu, anonyme, aux parois blanches et vernies. Contre le mur il y avait un écran avec une série d’indicateurs qui ne lui disaient absolument rien.
La porte n’était pas fermée. Il l’ouvrit et sortit. Il se trouvait dans un couloir, un long couloir anonyme entouré, des deux côtés, de portes pareilles à celle de la pièce dont il était sorti.
Il arriva au bout du couloir qui faisait un angle de quatre-vingt dix degrés et se retourna. Il buta sur une fille qui venait du côté opposé.
La jeune femme – plutôt jolie, il le remarqua - portait une tenue qui ressemblait à celle d’une infirmière et avait entre les mains un récipient métallique. Celui-ci tomba par terre, éparpillant dans sa chute des médicaments, de la gaze, une seringue, un sac de perfusion.
La fille avait une expression d’embarras et de stupeur, réaction qui lui parut ne pas être due uniquement au fait qu’il était nu.
« Vous, vous… qu’est-ce que vous faites ici ? » balbutia-t-elle tandis qu’elle se penchait pour ramasser le récipient et les médicaments tombés.
« Je ne sais pas », répondit-il en se penchant à son tour pour l’aider. « C’est ce que je me demandais moi aussi. »
La fille sembla se remettre de sa surprise et lui montra une porte.
« S’il vous plaît, attendez ici. Je vais appeler le docteur Knight. »
Il entra. C’était une petite salle d’attente meublée de quatre sièges recouverts de velours bleu et d’une table basse en verre.
Peu après, la fille revint et lui tendit une espèce de peignoir qu’il revêtit, puis elle s’éloigna rapidement.
Le peignoir était blanc et semblait à peu près propre. Il portait en lisière une inscription en lettres bleues. L’homme s’attendait à y trouver le nom de l’hôpital. Mais il lut : « UCLA, Université de Californie, Los Angeles, faculté de Sciences naturelles, département de biochimie. »
« Au moins », se dit-il, « c’est consolant de savoir que je me trouve encore à Los Angeles et que je n’ai pas été kidnappé puis transporté sur une autre planète. »
Sur le mur opposé à l’entrée il y avait un miroir. Il s’approcha et se regarda dans la glace.
C’était bien lui, aucun doute. Il reconnaissait son image, sauf qu’il avait l’impression d’avoir des cheveux plus longs mais aussi plus fournis que dans son souvenir. Il regarda le bout de ses doigts. Il était, ou il avait été – maintenant il n’en ressentait pas la moindre envie – un fumeur invétéré, et sur le bout de ses doigts il était facile de reconnaître les marques jaunes de la nicotine. Cette fois, il n’y en avait plus la moindre trace. Cela ne pouvait signifier qu’une seule chose : il ne fumait plus depuis des mois. Alors il était resté des mois dans le coma, ou quoi ?
Il scruta de plus près sa propre image dans le miroir. Depuis des années il avait une incisive cassée qui, à son grand désespoir, gâchait son sourire. Maintenant, la dent était intacte et sa dentition, pour autant qu’il puisse voir, parfaite.
Il se mit à répéter comme une mantra, et comme pour s’assurer de sa propre identité :
« Je m’appelle Herbert Bramwell, j’ai 38 ans, je mesure 1 mètre 76 cm. Je suis né à San Francisco, Californie, en 2014. Je suis diplômé de philosophie de l’UCLA, Los Angeles, depuis 2036. Je me suis marié en 2040, j’ai un enfant, j’ai divorcé en 2044. J’ai exercé diverses professions. Actuellement, je suis, ou, plutôt, j’étais, avant mon réveil, directeur du personnel d’une société d’informatique. »
Peut-être cette mantra était-elle assez inutile ; il n’avait pas d’absences de mémoire, son histoire, sa vie étaient relativement claires, mais en ce moment il éprouvait vraiment le besoin de se rassurer.
L’homme en chemise blanche qui venait d’entrer était jeune, de grande taille, mince, le crâne précocement dégarni et les yeux bleus, avec une légère tache de rousseur sur le visage.
« Monsieur Bramwell, bonjour. Je suis le docteur Knight. Comme vous sentez-vous ? »
« « Bien, merci », répondit Hubert Bramwell, « Plus en forme que je ne l’ai été depuis pas mal de temps, pour autant que je me souvienne. Simplement, j’ai très faim. J’ai l’impression de ne rien avoir avalé depuis des siècles. » « Un peu de patience », dit le docteur Knight, « et nous allons y pourvoir, ne vous inquiétez pas. »
Peu après arriva l’infirmière que Bramwell connaissait déjà.
« Je vous ai apporté de quoi vous habiller », dit-elle, « un polo et un pantalon. Pour les chaussures, je n’étais pas sûre de la pointure, et donc je vous ai apporté une paire de tongs, si ça vous convient. »
« Ok. Ça ira très bien. »
« Il y a quelque chose que je voudrais savoir », poursuivit Bramwell à l’adresse du docteur Knight, « le docteur Johnson, mon médecin, qui devait m’opérer, où est-il maintenant ? »
Le jeune docteur parut embarrassé :
« Je regrette, mais, pour le moment, le docteur Johnson ne peut pas être présent. Mais je peux vous dire que c’est lui qui vous a opéré et que, pour autant que je sache, son opération a parfaitement réussi. »
Tandis que les deux autres le laissaient seul pour lui permettre de se changer, Hubert Bramwell pensait à ce que venait de lui être de lui être dit. Le docteur Johnson était son médecin de confiance et un ami. Son absence le préoccupait.
Le docteur Knight ouvrit la porte et demanda :
« Etes-vous prêt pour notre promenade touristique ? »
Hubert Bramwell fit signe que oui.
« Venez », dit le médecin, « en cours de route je vous expliquerai tout. »
L’endroit, constata Bramwell, était tout à fait moderne, très propre, très vaste, un hôpital à l’intérieur  duquel se trouvait un centre de recherche universitaire. Le docteur Knight lui montra rapidement les couloirs où se trouvaient d’autres patients mais ils ne s’en approchèrent pas vraiment. Il n’y a pas lieu de les déranger, dit le docteur.
Les explications de Knight avaient produit chez Bramwell plus de confusion que d’éclaircissements.
Apparemment, il était un des patients « particuliers » du centre de recherche, le terme de « cobaye » était un peu trop brutal et ne correspondait probablement pas à la réalité. Bramwell ne parvenait à comprendre pourquoi. L’intervention à laquelle il avait été soumis était délicate : elle supposait l’ouverture de la boîte crânienne, mais elle n’était pas particulièrement complexe et n’exigeait pas une technologie d’avant-garde. Et, surtout, Bramwell ne parvenait pas à comprendre pourquoi il n’y avait aucun signe de trépanation.
« Oh ! mais je suis impardonnable ! »  s’écria le docteur Knight, « j’ai oublié que vous aviez faim. Venez, je vais vous offrir un solide petit déjeuner ! »
Le docteur le conduisit jusqu’à ce qui devait être la cantine du personnel, une grande salle située dans la partie haute de l’édifice. Sur le côté se trouvait une baie panoramique. C’était du genre self service, et, pour le moment, ils étaient seuls.
Bramwell se servit généreusement de lait, de café, de toasts, de beurre.
Il s’assit à une table et se mit à manger. Il avait l’impression de n’avoir jamais goûté quelque chose de plus savoureux, de ne jamais avoir eu autant faim de toute sa vie. Le docteur Knight n’avait rien pris.
« Je pense que vous pouvez m’écouter tout en mangeant », reprit-il.
Bramwell fit signe que oui.
« Je sais qui nous étiez. Excusez-moi, je veux dire : vous êtes une personne cultivée, même si vous n’êtes pas un chercheur, un scientifique. Je pense que vous n’aurez pas beaucoup de difficultés pour me comprendre. Que savez-vous du clonage ? »
« Je sais qu’on en a beaucoup parlé il y a des années, » répondit Bramwell, « puis les recherches ont été abandonnées »
« On peut dire, je crois », poursuivit le docteur Knight, «  qu’aucun autre domaine de la recherche scientifique entre la fin du XXème siècle et les débuts du XXIème n’a suscité autant d’espoirs et autant de déceptions. Pendant un certain temps, on a pensé que l’on tenait peut-être le moyen de réaliser le plus grand rêve de l’homme : l’immortalité physique, mais on a vite compris que l’existence d’un clone, de celui qui est le jumeau d’un autre du point de vue génétique n’a rien à voir avec la continuité ou du moins avec la vie de la personne en question.
Il s’agit en réalité d’un processus relativement et théoriquement simple : on prend le noyau d’une cellule somatique d’un être vivant et on l’insère dans une cellule-souche privée de son noyau originel. On fait se développer l’embryon dans un utérus, dans un utérus artificiel, dans un ?uf selon l’espèce, sur une culture d’agar-agar s’il s’agit d’une plante, et l’embryon qui se formera, la créature qui verra le jour sera la copie, du point de vue génétique, du donateur de la cellule somatique qui en est, en fait, l’unique géniteur.
Mais il y a un mais, et de taille. Ce qui a, pendant longtemps, à peu près conduit à abandonner ce type de recherche. Disons que dans la nature le clonage est un phénomène qui n’a rien de rare. A part le cas des jumeaux, vous savez que si une étoile de mer perd une de ses branches, non seulement elle peut la régénérer mais de la branche cassée peut naître une nouvelle étoile qui sera, à tous points de vue, un clone de la précédente. Des plantes comme la vigne et le géranium se reproduisent par bouture : un sarment ou un rameau peut devenir une plante à part qui est une clone de celle dont il provient. Mais quand on parle d’animaux supérieurs, comme les mammifères, ce n’est plus du tout la même chose. J’imagine que vous avez entendu parler de Dolly, la brebis Dolly, premier mammifère cloné, qui a vu le jour en Grande-Bretagne vers la fin du XXème siècle. Ce pauvre animal a bientôt montré une série surprenante d’infirmités et est mort prématurément. En fait, Dolly était « née âgée », ayant l’état biologique de l’animal qui avait donné sa cellule somatique, c’est-à-dire son patrimoine génétique. La même chose est arrivée et s’est toujours produite pour les autres animaux clonés. En fait, il manque ce processus de régénération qui se produit quand la conception est normale et qui permet à chaque génération de repartir de zéro. C’est un fait qui limite sérieusement l’utilité du clonage en zootechnie, même s’il peut se révéler un précieux instrument dans la lutte pour protéger de l’extinction des espèces à risque, et le rend inapplicable aux êtres humains, car un homme « né adulte » sans avoir bénéficié d’une longue enfance, de la longue période d’apprentissage qui caractérise notre espèce serait à tous égards un handicapé. Ceci, bien entendu, à moins qu’on ne trouve la possibilité de cloner aussi les souvenirs de l’intéressé. Dans ce cas,  les possibilités pourraient être pratiquement infinies. Nous pourrions, pour ainsi dire, éviter la disparition prématurée de talents particuliers, scientifiques, littéraires, artistiques. On a souvent caressé l’idée de cloner des personnes douées de talents particuliers, artistiques ou scientifiques. Imaginez un peu que l’on ait la possibilité de remédier au fait que le destin nous a privés trop tôt du talent de Raphaël ou de Mozart. Seulement les choses ne fonctionnent pas, ne peuvent pas fonctionner ainsi. Même si nous clonions un génie des arts ou des sciences aujourd’hui en vie – non pas Mozart ou Raphaël, dont le talent est irrémédiablement perdu – son clone n’hériterait que de sa structure génétique, et non de l’expérience de la vie qui ont fait évoluer as personnalité d’une certaine manière… à moins que…
« A moins que… », fit en écho Bramwell qui, entre temps, s’était arrêté de manger.
« Essayez d’imaginer », reprit le docteur Knight. « où est déposée physiquement la mémoire d’une personne. Dans les modifications subtiles que connaît l’ADN des cellules cérébrales. »
« Oui », objecta Bramwell, « mais, pour autant que je sache, les cellules cérébrales, les neurones, ne peuvent pas se reproduire, c’est pour cela que les effets d’une lésion cérébrale, à la différence des autres blessures, sont irréversibles. »
« C’est exact », répondit le docteur Knight, « mais ce qu’il faut reproduire, ce ne sont pas les neurones, mais une cellule-souche contenant l’ADN extrait des neurones, et je vous assure que cela a été possible. »
Le docteur Knight changea d’expression. Il sembla presque vouloir s’excuser.
« Qu’auriez-vous fait à notre place ? », demanda-t-il. « Avant de commencer à ouvrir le crâne des divers prix Nobel pour en extraire l’ADN cérébral, n’auriez-vous pas tenté une expérience pilote ? Nous avions sous la main un échantillon de tissu cérébral extrait d’un patient en cours d’opération du cerveau effectuée en 2062 ».
Il invita Bramwell à se lever et le conduisit devant la baie panoramique.
Il lui montra le panorama urbain au-dessous d’eux.
« C’est toujours Los Angeles », dit-il, c’est toujours la ville la plus étendue du monde, même si ce n’est pas la plus peuplée. Elle est moins peuplée que Mexico, le Caire et Tokyo, mais aujourd’hui elle dépasse New York pour le nombre des habitants. Elle est encore plus étendue que dans votre temps, car tout autour du centre urbain, comme autour des secteurs de Hollywood, Glendale, Pasadena, Santa Monica, il y a les favelas des immigrants hispaniques. Elle est aujourd’hui, plus encore qu’à votre époque, chaotique, tentaculaire, dangereuse. »
Il posa la main sur son épaule.
« Maintenant, vous comprenez », ajouta-t-il, baissant la voix presque jusqu’à un murmure, «  pourquoi le docteur Johnson, votre médecin de confiance n’est pas ici. Il est mort depuis près d’un siècle. »

(Traduit de l’italien par Pierre Jean Brouillaud - Publié par Paolo Secondini à Commentaire)


LES AUTEURS

Née à Lima, Adriana Alarco de Zadra partage son temps entre le Pérou, où elle dirige un musée, et l’Italie, où vivent deux de ses filles et ses petits enfants. Elle passe aisément de la science-fiction au fantastique et au travail de mémoire tant personnelle que collective. A publié 17 livres (géographie, récits et ouvrages pour enfants),

FABIO CALABRESE. Né à Trieste en 1952, enseignant. A fondé dans les années 1970, avec Giuseppe Lippi, la revue de fantastique Il re in giallo. Il a publié des anthologies et des romans. En 2000 il a créé avec Roberto Furlani, le magazine CONTINUUM.

venerdì 24 aprile 2015

PEGASUS INTERNACIONAL (ESPAÑOL)



Estimados amigos,
les presentamos la primera edición de PEGASUS INTERNACIONAL EN ESPAÑOL, que forma parte de blog italiano de Paolo Secondini
Los autores que publican en este proyecto no pierden sus derechos de autor y permiten que sus relatos se traduzcan a otros idiomas para los números subsiguientes de Pegasus Internacional.  Para que este proyecto siga creciendo, ruego a los escritores de lengua española interesados que envíen sus colaboraciones para el próximo número a la responsable de la edición en español de Pegasus Internacional, Adriana Alarco
Mes de abril, 2015

ATZAED ARREOLA (México)

LEER TENUE
Capítulo I
Evité el prólogo y los agradecimientos, también el epígrafe. Estoy a punto de cambiar de hoja y aún no te leo desnuda. Hasta ahora tu pasado se descubre lleno de frases hechas a condición de un eco desafinado. Quiero encontrar las líneas que me narren los motivos de tu sonrisa. La noche es lluviosa en este pedazo de ciudad, por eso, sediento bebo el café para hacerme de insomnio a tu lado.

Capítulo II
Estoy consumiendo el libro, consumiéndote. Ahora sé que el arte se alojó en una de tus piernas. Pausa. El sonido de la noche se llena de golpes, se escucha que incitan a la muerte arras de asfalto. Los muros de mi habitación son incapaces de absorber el ritmo de la vida. Pero el escándalo no me imposibilita para percibirme más holgado mientras te retomo. Hago notas de tus manías en una pequeña libreta.

Capítulo III
Una rama tocando a la ventana es el único susurro en este momento. Sin tiempo explícito, pienso que luz podría amenazar con apagar la noche, me apresuró a formular una hipótesis de las ondas de tu cabellera, de mis manos perdiéndose en sus analepsis. Tengo ganas de abrir el libro páginas adelante.

Capitulo IV
Sigo tus gestos al pie de la letra. La oscuridad recobra su tiempo en el ámbar del alumbrado público. En la siguiente página tu hombro desnudo me incita para que continúe examinándote, se vislumbra la senda de tu espalda. Me levanto del sillón y me mudo a la cocina para hojearte al sabor de otra taza de café. De un instante a otro el ombligo se presenta como incentivo, casi puedo percibir la tibieza de tu vientre. Repaso el párrafo una vez más para madurar la imagen.

Capítulo V
Como un disparo inverosímil la luz del día aparece. Por ahora un separador prolongará el momento que nos toca juntos. Mañana recapitularé en el vaho de la noche y después intentaré llegar más allá de tus expectativas, penetrando tus metáforas, haciendo tus líneas mías repitiéndolas en voz alta.

Atzaed Arreola, México D. F. (1983). Licenciado en Creación Literaria por la UACM. Cocompilador y autor del libro Poetas de reserva, antología poética San Lorenzo Tezonco (2013). Publicaciones: Cinco poemas, en revista electrónica de literatura Circulo de Poesía, abril 8 (2015). Poema, “Algoritmo”, en revista C2 Ciencia y Cultura, Enero-Febrero, número 5 (2015). Reseña, “A la sombra de una narrativa violenta”, en Laberinto, suplemento del periódico Milenio, número 603 (2015). Minificción, “Antes del flamenco”, en revista Manifiesto azul, número 15, España (2014). Minificción, “El chanfle”, en antología Futbol en breve / microrelatos de jogo bonito, Ed. Puerta abierta (2014). Ensayo, “El arte de llorar por un zapato” en la revista AlterTexto (2014). Participante en lecturas en voz alta en: la XXXIV Feria Internacional del Libro del Palacio Minería y en la Feria Internacional del Libro en el Zócalo de la Ciudad de México (2010).


JAVIER PERUCHO (México)

Solitaria

No sé cuándo lo aprendí ni quién me lo enseñó. Ya que don Humbert no me llenaba durante las noches ni con sus turgencias matutinas. Cuando entraba a la ducha y su cálida llovizna caía sobre mi cuerpo, mis manos tentaleaban la grieta de mis piernas hasta que sonreía, hasta que reía, hasta la carcajada profunda de una dicha sin sosiego. Luego enjabonaba el cabello. Con una esponja tallaba piernas, brazos, axilas, rostro y manos. Cuando salía, Humbert me preguntaba, Qué tanto hacías ahí dentro, se oía mucho ruido. Nada, invariablemente le respondía. Y seguía mi camino hacia la recámara para escarmenar y secar ese torbellino que sobrevolaba mi cabeza —así le decía don HH—. Pero antes de vestirme, clausurada la puerta con el cerrojo, el cordial de nuevo husmeaba entre mis labios vaginales, pero sin llegar hasta la carcajada.

Javier Perucho, “Solitaria”, en Enjambre de historias, México, 2015, UNAM-CCH Naucalpan (en prensa).

LOLITA LA PARVULARIA


¿Qué quieres practicar el 69 conmigo, Humbert? ¿No te platicó mi madre en una de esas noches de verano en que suspirabas, imaginabas y deseabas mi cuerpo mientras la poseías en su alcoba, que nomás cursé hasta el tercer grado en una escuela pública donde apenas aprendí a contar —a costa de azotes en el trasero, aullidos de la profesora y bofetadas maternas— hasta el número cincuenta? ¡So borrico!
Javier Perucho, Anatomía de una ilusión, México, Cuadrivio, 2015 (en dictamen).

CRISTINA POR LA MAÑANA

Llegamos a la carrera y nos aventamos y nos acomodamos para espiar a Cristina mientras se bañaba. No la fisgoneábamos por la grieta de la puerta del baño como lo hace el abuelo de la vecindad. Subíamos a la azotea para verla desde ahí, ya que la ventana era larga y ancha y ella no la cerraba. A veces yo suponía que ella nos veía de reojo, como para enterarse de quién subía, quién miraba y quién estaba. Seguramente se divertía mirándonos cómo se nos caía la baba cuando se enjabonaba los senos, para mí unos perales, jugosos y azucarados —así me supieron la única vez que me dejó embrocarme a ellos, pero entonces desconocía que había que succionar, lamber, barrerlos con los labios y hablarles en susurros—. Aquella tarde me enseñó. Con nadie más se dejó tocar. Sí nos permitió que la contempláramos durante su baño matutino.
Todos tumbados sobre el piso, la mano en la barbilla, en silencio, arrobados por su cuerpo húmedo, en cuyas cordilleras soñábamos cada noche. Nada me perturbaba más que verla enjuagar su cabello, que se entallaba a la silueta de su cuerpo de tan largo, negro y rizado. Como serpiente se le enrollaba desde la nuca, los senos y hasta el vientre y ahí se fundía en la abertura de sus piernas, donde resplandecía de tan negro.
Al terminar de bañarse, se barría el agua de su cuerpo con las palmas de las manos, luego se secaba con una toalla, que enredaba a su cabellera, con cuyo extremo después se limpiaba la cara. A punto de vestirse, se dirigía a la ventana para cerrarla, desde ahí miraba hacia nosotros por un segundo. Más tarde salía en bata, con sus útiles de baño en una cubetita. Y en lo que trazaba el siguiente paso —sus sandalias repetían plas, plas a cada paso— miraba de nuevo a la azotea, hacia esos niños que le mendigaban una sonrisa. Ahí nos dejaba pellizcándonos entre nosotros, respirando agitadamente, la cara al sol y la mano en la bragueta.
Javier Perucho, “Cristina por la mañana”, en José Manuel Ortiz Soto y Fernando Sánchez Clelo (antólogos), prólogo de Lauro Zavala, Alebrije de palabras. Escritores mexicanos en breve, Puebla, Benemérita Universidad Autónoma de Puebla, 2013, pp. 75-76.

Javier Perucho es doctor en Letras por la unam y miembro del Sistema Nacional de Investigadores; narrador, ensayista y editor. Autor de Dinosaurios de papel. El cuento brevísimo en México; Yo no canto, Ulises, cuento. La sirena en el microrrelato mexicano; El cuento jíbaro; La música de las sirenas; Hijos de la patria perdida; además de Ocaso de utopías, entre otros. Tiene en prensa dos libros de narrativa breve, “Enjambre de historias” y “Anatomía de una ilusión”.

JOSÉ MANUEL ORTIZ SOTO (México)

Minificciones
Génesis

A sus pies, el mundo era una mierda por el lado que lo viera. ¿Tenía sentido hacerlo redondo nuevamente? El escarabajo dijo que sí y continuó empujando el pedazo de excremento.

Ascensión

El anciano hechicero acaba de morir. Los aprendices de la tribu reclaman la vacante. Según milenaria tradición, el elegido será aquel que devuelva al carcomido cuerpo del difunto la juventud perdida. En cada intento fallido, el aspirante es sacrificado. Ungido el cadáver con la sangre joven derramada en la hecatombe, un nuevo y apuesto hechicero resucita.

Naturaleza viva

—La vida aquí no es fácil —musita el árbol más sabio de la isla y muestra a los visitantes sus oscuras cicatrices—. Si no son los temblores que retuercen la tierra desde las entrañas, es la montaña con sus vómitos ardientes o el océano con sus olas devastadoras. Debemos aceptarlo, la naturaleza es atroz.
Tras escuchar al viejo cedro, los náufragos elogian su sapiencia. No podría haber mejor canoa que los regrese al continente.

Floración

Despertó sobresaltada. Soñó que iba desnuda por la calle, seguida por una turba de chicos, colibríes e insectos. «¡Qué locura!», se dijo ante lo inverosímil de la historia y entró a la ducha. Mientras el agua removía los últimos remanentes del sueño, vio como al contacto de sus manos jabonosas, los minúsculos botones de sus senos comenzaban a abrirse.
Esa mañana, camino a la escuela, Diana exhibía orgullosa sus fragantes alcatraces.

Crucero

Para Beto Gómez, mimo

Era maestro en el arte de comunicarse sin palabras. En noventa segundos, los automovilistas veían transcurrir ante ellos escenas tomadas de la vida misma. La actuación terminaba cuando el mimo recogía del piso una mochila inexistente, decía adiós al público imaginario y echaba a andar por un camino que iba construyendo a cada paso, seguido por la verde mirada del semáforo.

Ausencia

Como cada tarde, al volver de la escuela, la niña se detiene frente a la puerta entreabierta de aquella habitación.
—Anda, ve y cuéntale a tu mamá cómo te fue hoy —ordena la abuela.
Dubitativa, la chiquilla atraviesa el cuarto repleto de aparatos y oloroso a medicinas. Deja caer la mochila en el suelo y se acerca a la cama.
—¡Tú no eres mi mamá! —solloza al rozar con los labios el rostro inexpresivo y ausente de la mujer allí postrada. Luego, incapaz de soportarlo más, la niña sale corriendo de aquel lugar.

Obscura obsesión

Tejió en el marco de la ventana la mejor de sus telarañas. En ella cayeron pájaros de plumas coloridas, serpientes esquivas y montones de gatos curiosos que rondaban la casa abandonada. Solo la luna pasa tan oronda entre los hilos de seda para mirarse y juguetear en el espejo del ropero. Pero la viuda no pierde la esperanza de atraparla, y menos después de haber probado hasta la carne blanca de un ángel trasnochado.

Cicatrices o el árbol de Diana**

Frente al espejo, observa el trazo irregular bajo su seno izquierdo, semejante a un gusano de seda fosilizado. Siente su textura, apenas un poco diferente al resto de su piel. Sin plena conciencia de por qué está ahí, responde a la curiosidad de sus amantes que por ese sitio asoma, de vez en vez, la estructura argéntica en que descansa su frágil fenotipo humano.
—Todo esto —señala su vientre, los muslos, el sexo— es el pretexto para que mi alma viva. Si alguien me enamora, la cicatriz se inflama y brota un árbol. A decir de una gitana, cuando encuentre el amor verdadero no necesitaré esconderme bajo ningún disfraz.
Diana siente una punzada en el costado izquierdo. Sonríe. Quizá valió la pena besarse con la chica de la fiesta la otra noche.

Desembarco**
A la memoria del Dr. José C. Soto C.

La devastación de aquel lugar me recordó algunas imágenes posteriores al desembarco de los aliados en Normandía. Busqué con la mirada los miles de cadáveres dispersos por la playa, pero solo había arena y arbustos calcinados. Nos internamos en la isla. Los nativos parecían no darse cuenta de nosotros, tal vez era su manera de negarnos. Conseguimos hacernos entender por una niña, que señaló una hilera de puestos montados sobre horcones y tablas, donde un grupo de mujeres servía tazones de sopa hirviente y platos de carne. Pasamos el resto de la tarde caminando por la aldea.
—Ve a casa y diles que todo está bien, yo aquí me quedo —te oí decir cuando el sol oscuro de aquellas tierras se desvanecía en la oquedad del mar.
Hace rato que el teléfono timbra. Del otro lado de la línea, la voz agrietada de mi hermana dice: «Papá ha muerto». ¿Cómo podría explicar a la familia que yo te acompañé en tu último viaje?

Fuga

Parece que las cosas comienzan a cambiar. De la nada, mi mujer recupera el deseo perdido y me brinda la noche más intensa de la que tengo memoria. En el trabajo, el jefe me llama a su oficina y me da el resto de la semana a cuenta de vacaciones extraordinarias. «El lunes hablaremos del ascenso que está pendiente», agrega.
Hace mucho que no camino por la ciudad a esta hora. Las avenidas, apenas transitadas por unos cuantos carros, lucen vacías. El cielo —de un azul clarito, casi trasparente— permite fisgonear a pleno sol la silueta opaca de la luna y las estrellas.
¿Adónde voy? No tengo idea. Solo sé que así estoy bien y no volveré atrás.

*Todos los textos son parte del libro Las metamorfosis de Diana (Fábulas para leer en el naufragio), de próxima edición.

**Publicados en Rosana Alonso y Manuel Espada, Deantología, la logia del microrrelato, Talentura, 2013, España.

José Manuel Ortiz Soto (Jerécuaro, Guanajuato, México, 1965). Médico Pediatra y Cirujano Pediatra. Ha publicado los libros de poesía Réplica de viaje, poemario (Lagarta azul, 2006)  y Ángeles de barro (Lagarta azul, 2010); y de minificción, El libro de los seres no imaginarios. Minibichario (Ficticia Editorial, 2012), con Fernando Sánchez Clelo Alebrije de palabras: Escritores mexicanos en breve (BUAP, 2013) y Cuatro Caminos (BUAP, 2014). Coordina la Antología Virtual de Minificción Mexicana (http://1antologiademinificcion.blogspot.com/) y Médicos Mexicanos por la Cultura y el Arte (http://medicosmexicanosporlacultura.blogspot.com/); y sus blogs personales son Cuervos para tus ojos (http://cuervosparatusojos.blogspot.com/), Ángeles de barro (http://angelesdebarro.blogspot.com/) y Un pingüino rojo (http://unpinguinorojo.blogspot.com/).  Twitter:  @jmanolortizs


  PAOLO SECONDINI, ADRIANA ALARCO, PEPPE MURRO
PRISIÓN

Trato de entender mi situación. Me observo alrededor: se puede decir que lo hago siempre, desde que me encerraron en este espacio angosto y limitado por unos confines insuperables.  Quien me colocó aquí adentro es un ser cruel.  No se preocupó de preguntarme si me hacía feliz. Sin embargo, lo que ahora me importa es saber cómo huir de esta prisión.  No es nada fácil… soy la figura de una mujer pintada al óleo sobre una tela de cincuenta por setenta centímetros.
Cuando una luz blanca iluminó mi prisión dentro del marco, empezó a revolotear mi túnica celeste.  ¿Podré mover un brazo? ¿Podré cerrar un ojo? ¡Hago un esfuerzo y mi zapatito azul se mueve hacia el mueble que está debajo del cuadro, en la habitación donde me han colgado! ¡Espero que no pase esa nube negra delante de la luna en este momento!  ¡Oh, pinceles y colores!  ¡Suéltenme! ¡Quiero salir!
Quien me pintó quizás no ha sido cruel: creyó que podía evitarme el desgaste del tiempo encerrándome entre estos colores, en esta eterna y victoriosa juventud. Deseaba conservarme siempre como aparecía yo en sus sueños.  Pero se equivocaba: ¡yo sólo quería estar viva!

Los tres escritores que publican este cuento compartido son asiduos en el blog de Pegasus, siendo Paolo Secondini el director de esta conocida revista virtual que ha decidido publicar números en varios idiomas latinos, como el presente primer número en español que luego podrán formar parte de los números en italiano, en francés y en portugués.